Mémoires d'un sorcier
Ce texte nous provient de mémoires retrouvés enfouis près de la Powerslave.
Depuis les terres de l'est vint un jeune érudit magicien, avide de connaissances et plein d'ambition. Il venait d'achever sa formation, et parcourait le monde à la recherche de savoirs anciens pour confirmer sa maîtrise des arcanes. Ce dernier trouva les terres désolées de Mountain-Ish, et s'y installa. Il appréciait beaucoup la tranquillité des lieux, et n'était nullement soucié par l'absence totale de vie des environs. Il y sentait de plus… une atmosphère magique, en ce paysage noirci, dont il souhaitait découvrir l'origine.
Il mena donc des fouilles, et déterra d'entre les cendres une maison, puis une seconde, puis toute une ville cachée se découvrit devant lui. Il marchait sur les restes d'une civilisation dont il n'avait entendu parler qu'en légendes. Serait-ce donc cette découverte qui ferait de lui une légende ?
Il passa des jours et des nuits à ausculter cette cité enfouie, la dépoussiérant, l'analysant, explorant chaque coin de maison, à la recherche de documents anciens. Il la faisait revivre, incarnait chaque habitant, se prenant tantôt pour un père, un commerçant, un roi. Mais cela ne fut pas les éléments qui l'amenèrent à la déraison, non. Il mit la main sur un ancien sanctuaire, encore plus profond que les autres bâtisses. Un lieu sacré sans doute, et encore scellé, comme si l'on eut souhaité protéger à tout jamais ses lieux. Cet endroit transpirait de magie, mais une magie redoutable. Elle nous attirait autant qu'elle nous repoussait. Une sensation d'effroi qui parcourt chaque membre de son corps sans souhaiter que cela ne s'arrête. Et il était bien trop tard pour notre magicien pour faire demi-tour.
Dans ce sanctuaire, dont l'architecture devenait sans cesse moins raisonné à chaque pas, se trouvaient de nombreux documents n'attendant que d'être ouverts. Des codex, des schémas, de la magie à l'alchimie, en passant par la physique et les mathématiques. Des centaines de théorèmes alors oubliés étaient enfouis dans cette cité millénaire, en ces lieux que lui, le jeune érudit, venait de découvrir. Un savoir inconnu se trouvait entre ses mains, des connaissances oubliées, mais certainement aussi bannies. Des pratiques révoltantes et écœurantes étaient expliquées, dessins à l'appui. Des possibilités infinies s'ouvraient devant lui, lui faisant découvrir des plans astraux encore inconnus et certainement autant mystérieux pour ses anciens professeurs, que pour toutes les personnes qu'il eut pu connaitre. Il pouvait enfin accéder à son désir profond de bouleverser le monde, et réaliser ce que personne ne pouvait. Il avait des envies de grandeur, et il avait devant lui le moyen de les réaliser.
Heure après heure, jour après jour, mois après mois, il amassa un savoir infini, mauvais, et terriblement désastreux. Sa santé mentale déclina petit à petit. Il se rêvait d'abord roi d'une cité perdue, puis empereur, et pourquoi pas dieu ? Pour subvenir à ses besoins de recherche, il fit construire un château sur son ancienne bâtisse. Il y ajouta une bibliothèque, grandissant et se remplissant sans cesse de nouveaux ajouts suite à ses lectures maudites. Sa seule volonté suffisait pour voir s'élever les pierres des salles de son domaine. Il ne voyait plus la lumière du jour, et passait son temps entre expérimentation et érudition. Qui donc saurait le nombre d'expériences abominables et anormales qui furent exercées en ces lieux ? Il vaut mieux que personne ne le sache. Mais cela n'arrêta pas notre magicien devenu sorcier. Empli de ses nouveaux pouvoirs, il en voulait encore plus. Il parvenait à communiquer avec les esprits, traversait les dimensions sans se soucier, mais pour devenir quelqu'un de supérieur, il devait accéder à la divinisation.
Il avait appris au cours de ses recherches, l'existence d'un autel sacré qui existait quelques milliers d'années auparavant. Un édifice gigantesque du nom de Powerslave, bâti par des générations d'asservis en l'honneur des anciens dieux. Celui-ci resplendissait d'or et de joyaux, et se devait d'être aussi sublime que les divinités elles-mêmes. Un lieu de culte certes, mais aussi un lieu d'intronisation à la voie supérieure et céleste. C'est en ces lieux qu'étaient jugés les humains, selon la symbolique triforce des vertus. Toute personne digne de ces préceptes pouvait se voir accorder un entretien avec le ciel, et marchander son âme au prix d'une place parmi les dieux.
Mais ce monument avait disparu en même temps que sa civilisation, comme s'il fut le signe de sa bonne santé. Un coup d'arrêt aux ambitions de notre sorcier roi en son domaine.
Celui-ci s'enferma dans sa bibliothèque. Il ne mangeait plus, ne dormait plus. Les saisons passaient sans voir de nouveau la lumière du jour. Il avait tant appris, et se sentait pourtant si démuni. Il était ridicule, faible, ignare. Son désespoir retentissait entre les murs de son château. Ses emportements faisaient écho dans ses hauts corridors. Il était épuisé, à bout. Vingt années étaient passées depuis son arrivée, vingt années qu'il n'avait vu passer. Il était seul, seul dans un village abandonné, mort. Lui aussi l'était. Il peinait à avancer, ne respirait qu'en toussant. Il n'existait plus.
Mais une comète devait arriver ce 21 mars. Un évènement si spectaculaire qu'on en parle encore aujourd'hui. Le ciel de cette nuit-là s'illumina comme si l'on fut en plein jour, un éclat divin.
Notre sorcier se souvint d'un passage oublié parmi les textes qu'il avait ouvert en arrivant dans ce sanctuaire scellé, il y a vingt ans de cela. Un passage évoquant le passage cyclique d'une comète à proximité de notre terre, qui aligne les dimensions sur un seul plan, et ouvre la voie au paradis céleste. Un évènement inédit, qu'il était possible de déduire de l'avancée des planètes et de leur position dans le temps. Mais il en était certain, elle allait passer dans quelques jours. Fouillant de nouveau dans ces premiers écrits, d'autres passages étaient barrés à la hâte et volontairement couverts d'inscriptions pour qu'on ne puisse les lire. Il était question d'un rituel hautement interdit et immensément puissant pour dévier cette comète sur terre, et faire surgir de nouveau… la Powerslave.